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Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People People on the MoveN° 106 (Suppl.-I), April 2008
Lespérance, inspiratrice et moteurde lengagement de lApostolat de la Mer
S.E. Mgr Pierre Molères Evêque de Bayonne France Parler de lEspérance en Pologne, quel beau sujet ! Redoutable mission aussi quand on connaît le courage des Polonais dans lHistoire, leur fierté indomptable et leur foi au Christ qui, malgré des dépeçages et des dictatures, leur permirent de renaître chaque fois, tel le phénix de ses cendres. Parler dEspérance cest parler davenir, cest parler de bonheur, cest parler de salut; cest sadresser à des gens situés, dans des conditions dexistence qui sont ce quelles sont, non pas comme on les rêve, et dont nous devons tenir compte. Ainsi devant ses diocésains dHippone, Saint Augustin ne craignait-il pas de les rejoindre au cur de leur vie et dadopter un langage imagé pour les évangéliser. Joignons-nous à eux ; écoutons la méditation dAugustin sur le passage de Saint Luc chapitre 11, versets 10-13 : « Quiconque demande reçoit ; quiconque cherche trouve, à qui frappe on ouvrira. Quel est dentre vous le père auquel son fils demandera du pain et lui remettra une pierre[1]? Et sil lui demande un poisson lui remettra-t-il un serpent ? Ou sil lui demande un uf lui remettra-t-il un scorpion ? Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus le Père du ciel donnera-t-il lEsprit Saint à ceux qui len prient ! » Le poisson, luf et le pain, commente allégoriquement Saint Augustin[2] sont les trois vertus théologales : le poisson cest la Foi ; luf, lEspérance ; le pain, la Charité.
Et Augustin de conclure : « Ne regarde pas en arrière, redoute le scorpion ; le scorpion est lennemi de luf, comme le monde lest de lespérance. » « Ne regarde pas en arrière ; aime lespérance ! » Fidèle à cette consigne dAugustin, je me propose, sans bien sûr vouloir tout dire,
A. Quest-ce que lespérance ? Avant de vous rappeler la formule habituelle qui la décrit, permettez-moi de vous citer la dernière phrase de la lettre prémonitoire du Père Christian de Chergé, moine cistercien de Tibhirine en Algérie, décapité avec sa communauté il y a juste 10 ans ; méditant aux environs de Noël 1993 sur son assassinat éventuel et sur son assassin, il écrit : « Et toi aussi lami de la dernière minute qui nauras pas su ce que tu faisais ; oui pour toi aussi je le veux ce Merci et cet A-Dieu en visagé de toi. Et quil nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, sil plait à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Inch Allalh ! » Texte admirable, rayonnant despérance chrétienne, celle dont nous apprenions tout enfant au catéchisme la formulation : « Mon Dieu jespère avec une ferme confiance que vous me donnerez par les mérites de Jésus-Christ votre grâce en ce monde et le bonheur éternel dans lautre, parce que vous lavez promis et que vous tenez toujours vos promesses. » Formule un peu abstraite pour des enfants mais qui avait du sens. Nous comprenions intuitivement quentre son monde à lui Jésus et lautre monde il y avait un lien ; que Jésus et nous, marchions ensemble ; et que nous, les enfants, pouvions nous confier à Jésus, puisquil tenait toujours ce quil promettait. Les composantes de lEspérance Déjà nous savions lessentiel sur lespérance ! Quant à nous ici, il nous sera bon de dégager quatre éléments, quatre composantes de lEspérance théologale pour explorer son mystère. 1. Elle est désir de Dieu auquel on sadresse ; lobjet de lEspérance, sa visée, cest Dieu lui-même. Elle répond à laspiration au bonheur que Dieu, en nous créant à son image, a mise en nos curs faits pour lui : « Notre cur est inquiet, Seigneur, tant quil ne trouve pas en toi le repos ! » disait Saint Augustin. Elle assume nos espoirs humains qui inspirent nos activités particulières ; elle les purifie, les ordonne au Royaume de Dieu, prend même ses distances avec eux quand il sagit de dilater nos curs, de les libérer, de les aider à désirer la vision de Dieu, la béatitude éternelle[4]. 2. Dautre part, inséparable du temps, lEspérance suppose lattente : attente active du bon serviteur[5] ; nous sommes tous taillés dans létoffe du temps ; tenus de préparer lavenir dans notre présent ; sans nous enliser en lui, sans nous en évader. Tenus surtout daccueillir lavenir dans notre présent ; car lespérance théologale introduit au cur du monde une anticipation du monde à venir dont lÉglise est en quelque sorte la présence sacramentelle. Cest la raison pour laquelle lEucharistie peut être appelée « le sacrement de lEspérance » puisquelle alimente le chrétien du Corps glorieux du Seigneur, notre avenir qui vient au devant de nous, en nous. Ainsi par ce viatique divin, tout disciple est quelquun qui espère, un pèlerin en route vers la Terre Promise. « Se concevoir toujours soi-même comme un bateau », écrivait un marin sur son carnet de bord. 3. Mais nous le savons par expérience, qui dit marche dit aussi obstacles ; qui dit traversée dit écueils, donc appel à la persévérance : cest la troisième caractéristique de lespérance qui inclut à la fois courage et prudence. Saint Paul la bien compris ; au fil de ses lettres il nous parle des difficultés rencontrées à lintérieur et à lextérieur de lui-même. - A lintérieur ? Il cite la « loi de contradiction » : « Vraiment ce que je fais je ne le comprends pas : car je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais Malheureux homme que je suis ! »[6] - Difficultés venues de lextérieur ? Dans la deuxième lettre aux Corinthiens il déroule en deux passages leur longue litanie : « Nous nous recommandons en tout comme des ministres de Dieu : par une grande constance dans les tribulations, les détresses, les angoisses, sous les coups, dans les prisons, les désordres, les fatigues, les veilles, les jeûnes[7]» ; « Qui est faible, que je ne sois faible ? Qui vient à tomber, qu'un feu ne me brûle ? S'il faut se glorifier, c'est de mes faiblesses que je me glorifierai.[8]» Ces obstacles, nous les connaissons, chacun(e) à sa manière. Ils font paraître le but entrevu plus lointain et même inatteignable. Alors que faire ? Cest ici que Paul nous présente en modèle Abraham, « notre père à tous[9] », « espérant contre toute espérance[10] », infatigable pèlerin de Dieu. De son côté, lauteur de la lettre aux Hébreux, après avoir évoqué la promesse irrévocable de Dieu à Abraham, nous conseille lespérance qui dit-il « est pour nous comme une ancre de lâme, fermement fixée, pénétrant au-delà du voile du Temple[11]». Le Seigneur est notre ancre déjà arrimée dans le port du salut ; qui permet à notre bateau de se fixer sans dériver malgré les tempêtes, ou de continuer son cabotage dans la prudence et la lucidité. « Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu » conseille linvitatoire du carême. Lespérance apparaît alors comme « le casque du salut[12]» qui protège la tête du lutteur, revêtu par ailleurs « de la cuirasse de la Foi et de la Charité » pour se mesurer vaillamment avec les ennemis et les obstacles du chemin. 4. Une telle persévérance sessoufflerait vite sans la confiance au Seigneur La confiance est une composante essentielle de lEspérance, vertu théologale toujours reliée aux deux autres. Le poète Péguy dans ses phrases ondulant comme des vagues, la décrit comme une fillette marchant entre ses deux grandes surs : la Foi et la Charité. « La petite espérance, dit-il, savance entre ses deux grandes surs et on ne prend pas garde à elle mais cest elle, cette petite qui entraîne tout car lespérance voit ce qui nest pas encore et qui sera. Elle aime ce qui nest pas encore et qui sera !... [13]». Intuition de poète insistant sur la communion des trois surs. Mais il importe dajouter : pas despérance sans la Foi qui approfondit ; pas despérance sans la Charité qui fait « brûler damour ». LEspérance cest croire en lAmour ; cest être mû par Lui. Doù notre humble confiance en Christ vainqueur de la Mort ; Lui qui a promis de nous préparer une place, de revenir en gloire et dêtre avec nous chaque jour jusquà la fin des temps. Lui qui monte dans notre barque et nous donne son Esprit pour éviter les deux écueils où lespérance peut séchouer : celui de la présomption, qui consiste à profiter de la bonté de Dieu pour senfoncer dans le mal « Quimporte de pécher, puisque Dieu est bon », ou à trop compter sur soi, comme lapôtre Pierre Lautre écueil est celui du désespoir, qui se laisse couler, parce que le ou la désespéré(e) estime à tort que Dieu labandonne, ou quil nest plus capable de le (la) soutenir dans telle situation de détresse, ni de lui pardonner telle faute, comme la cru Judas. Lespérance rectifie le tir ; elle nous tourne vers Dieu et nous donne la paix dans lépreuve même ; elle nous réapprend les Béatitudes et le chant du Pater ; cest là nous dit le Catéchisme de lÉglise Catholique « le résumé de tout ce que lespérance nous fait désirer[14] ». « Gardez courage, dit le Christ, jai vaincu le monde et je suis avec vous[15] ». Autrement dit, Dieu nous conduit à Dieu, le Fils au Père dans lélan de lEsprit. Espérer, cest attendre Dieu de Dieu, et le recevoir de Lui : cest le plus beau cadeau ; la force mobilisatrice par laquelle lEsprit-Saint pousse lÉglise vers lavenir de Dieu. B. Pour un humanisme chrétien de lEspérance Voyons maintenant comment lApostolat de la Mer trouve en cette vertu non seulement son inspiratrice et son moteur mais aussi sa capacité dintroduire dans le monde maritime ce que jappellerai « lhumanisme chrétien de lEspérance ». Faisons dabord cette remarque : fondamentalement lespérance théologale avant dêtre cette disposition dynamique qui nous met résolument en marche vers Dieu, vient du regard positif et engageant que Dieu porte sur nous. Elle est de lordre de la grâce ; cest une des meilleures surprises de lhistoire de lAlliance ; la création du couple, homme et femme est acte divin dEspérance ; Dieu espère en sa créature ; et le croyant qui espère, espère par suite de cet engagement initial et permanent de Dieu, quest sa Promesse ; doù sa prière : « Seigneur, puisque tu ne peux renier ni ta promesse ni ton alliance, puisque tu ne peux pas être infidèle, alors je viens vers Toi ; je profite des droits que tu me donnes pour dialoguer avec toi, intercéder auprès de toi, discuter avec toi, batailler avec toi, te prendre pour défenseur et même pour Sauveur, risquer ma vie pour Toi et pour les autres à cause de Toi ». A partir de cela, essayons de dégager, sans être exhaustif, quelques caractéristiques de cet « humanisme marin » de lEspérance chrétienne vécue dans lApostolat de la Mer. I. Un Dieu routier qui nous entraîne à sa suite La première me parait être la suivante : le Dieu de lEspérance nous provoque à prendre la route. Il est le Dieu nomade qui nous lance sur les routes à risques de lExode ; le Dieu du Buisson ardent, des chemins surprenants quil prend pour nous atteindre ; comme dit la sagesse portugaise, Il est « celui qui écrit droit avec des lignes courbes », celui qui se dérange pour nous et nous désinstalle.
I LApostolat de la Mer, quant à lui, fréquente les côtes et les routes maritimes ; routes fréquentées, parfois même surchargées. Sont-elles pour autant humaines ?... Pour répondre à cette question urgente, un des premiers objectifs de lApostolat de la Mer mue par lEspérance consiste à connaître létat de ces routes et même faire lanalyse des situations qui y sont vécues : naufrages, abordages, disparitions de marins, détresse des boat-people, exploitation de marins, abandons déquipages, bouleversement des règles de pêche, pollutions, etc., mais aussi rencontres humaines entre continents, cultures et religions, progrès technologiques, meilleure connaissance scientifique de la mer. LÉglise commence toujours sa démarche dévangélisation par un tel regard : regard circulaire et profond comme celui du Christ de lEvangile. Regard lucide, mais aussi le plus positif possible. Car lEspérance dans ces routes si risquées permet de découvrir les causes de tant de malheurs et dentrevoir certains débuts de solutions ; ainsi lApostolat de la Mer grâce à elle, prend-il plus facilement la mesure
Comme il serait heureux quà la faveur de telles rencontres internationales, on puisse dégager progressivement quelques caractéristiques spécifiques de chaque région maritime du monde et quelques approches pastorales complémentaires ! Les dialogues interculturels, interreligieux et cuméniques y trouveraient un terrain privilégié et susciteraient des viviers nouveaux de gens de bonne volonté. Elles contribueraient à faire entendre dautres voix, à éduquer les opinions publiques et à tracer des chemins maritimes plus humains, moins livrés aux requins. Espérance théologale, inspiratrice dhumanité, route dhumanité !... Comme vous le voyez, en tout cela, lApostolat de la Mer joue le rôle de boussole chrétienne et de radar marin. II. Un Dieu provocateur qui nous libère La deuxième caractéristique dun humanisme marin de lEspérance chrétienne est la suivante : le Dieu biblique nest pas seulement celui qui assure le passage dIsraël à travers la Mer Rouge et le lance sur les route à risques ; Il est aussi un Dieu défenseur de lHomme au point quIl le provoque à la liberté et quIl supporte de lui ses revendications quand la vie se fait trop pesante. LEspérance fait du croyant un contestataire qui est « dans le monde sans être du monde » ; capable de citer Dieu en justice devant des situations écrasant la personne humaine, et refusant de baisser les bras devant ces injustices ; paradoxalement Dieu bénit cette attitude. De son buisson ardent, il voit la misère du peuple hébreu asservi par le Pharaon, il entend son cri, descend pour le délivrer et le faire monter vers une terre de liberté[21] en enrôlant comme chef de file Moïse hésitant. Pareillement, dans le conte populaire quest le livre de Job ; Dieu se tourne contre les amis de Job venus lui conseiller davouer sa faute ; faute qui lui aurait valu selon eux une telle sanction divine. Dieu se rebelle devant ces bavards : « Aucun de vous na parlé de moi aussi bien que mon serviteur Job[22] ! » Or qua dit Job ? Qua-t-il fait pour mériter ladmiration de Dieu ? Job vient de laccuser dabandon et dinfidélité à son rôle de Dieu ; mais cherchant un avocat dans ce procès intenté contre Dieu, il na trouvé rien de mieux que de demander à ce même Dieu dêtre son défenseur[23] Ce Job biblique a une abondante descendance. Le Job daujourdhui est légion ; nombreux sont ceux qui se retournent contre Dieu devant lénigme et le scandale du mal. Nombreux sont ceux qui se détournent de Lui, révoltés, laccusant dêtre soit cruel, soit impuissant. Dautres découvrent peu à peu que Dieu nest pas du côté de lEnnemi mais du démuni, crucifié avec ceux qui nont rien[24] Quant à lEspérance théologale loin de maintenir le croyant dans le rêve, lillusion, ou la résignation, elle le transforme en homme ou femme daction qui proteste contre de telles situations et dans sa prière à Dieu et dans ses démarches aux responsables ; essayant dy remédier avec dautres, le disciple demande à Dieu qui « veut que tous les hommes soient sauvés[25] », sa force et son soutien ; il sait que Dieu sinsurge contre linjustice et attend des siens quils se mobilisent contre elle. Ainsi dans la célèbre vision des ossements desséchés du prophète Ezéchiel, Dieu ne supporte pas dentendre la complainte de son peuple : « Nos ossements sont desséchés ; notre espérance a disparu et nous sommes en pièces[26] » Il lui fait écho par cette parole : « Voici que jouvre vos tombeaux je mettrait mon esprit en vous et vous vivrez[27] ! » II Ce souffle despérance, lApostolat de la Mer avec ses modestes moyens essaie de lentretenir ; de le répandre ; il ne se contente pas de contacts sympathiques ou dune assistance humanitaire dans les besoins urgents, pour nécessaires quils soient ; mais il entend assumer une Mission despérance au nom des « sans voix » de la mer. Sil ne le faisait pas les poissons eux-mêmes crieraient Ainsi veut-il proclamer haut et fort, avec dautres bien sûr :
LApostolat de la Mer sait que dès le départ de lévangile, la mer eût ses prophètes ; dès le départ du christianisme lEspérance sembarqua sur les bateaux des ports à la faveur de la diaspora pour aller porter au monde la Bonne Nouvelle du Christ Ressuscité, et avec elle la découverte dun monde nouveau. LEspérance théologale avec son souffle prophétique est ainsi à lorigine dun immense tsunami de Foi et damour au service de lhumanité qui, sans elle, serait livrée au raz de marée des intérêts ravageurs. III. Le Dieu des derniers temps, le Dieu de laujourdhui Enfin, le Dieu de lEspérance parce quil est celui des « derniers temps » nous demande de vivre cette espérance au quotidien, ce qui signifie plusieurs choses. a. Dabord que lHomme-Dieu Jésus se refuse à être magicien. A tous ceux qui lui demandent des prodiges éclatants qui le feraient reconnaître comme le Messie, Jésus répond : « Apprenez plutôt à interpréter les signes des temps ; il ne vous sera pas donné dautre signe que celui de Jonas[30] ! » C'est-à-dire, un événement qui inclut dabord un engloutissement, une disparition dans labîme, un consentement à notre destinée mortelle. b. Dans le même sens, Paul combat vigoureusement lilluminisme dont il perçoit vite les méfaits. Les premiers chrétiens de Salonique attendaient le retour imminent du Christ dans la gloire ; ce qui les dispensait de travailler ; quant à ceux de Colosses ils pensaient quoutre le Christ, il y avait dans lau-delà des forces célestes terrifiantes, des puissances angéliques, qui manoeuvraient les astres et les destinées humaines, au point que personne ne pouvait leur échapper : « Ne vous endormez pas, restez éveillés[31] », dit Paul aux premiers ; « Il ny a que le Christ qui est tout et en tous[32] », écrit-il aux Colossiens. Paul se conforme ainsi à lenseignement de Jésus disant dans le discours eschatologique de Marc : « Prenez garde quon ne vous abuse gare aux faux prophètes et aux faux messies. Ne les croyez pas[33] ! » car un tel illuminisme qui prétend tout savoir sur la fin des temps, sa date et ses signes, et veut imposer ses règles et ses pratiques nest pas lespérance théologale plus réaliste, plus humble et plus confiante. c. Ainsi Jésus nous renvoie-t-il à notre vie quotidienne. Le signe de la venue des derniers temps se manifeste en deux attitudes très modestes, les mêmes pour tous, partout et toujours : « Tu aimeras Dieu et ton prochain comme toi-même[34] ! » Tels sont les derniers temps vécus au quotidien ; leschatologie dans la vie de chaque jour ; le sérieux de tout acte humain engageant lavenir. Cest aujourdhui que chacun doit vivre avec Jésus et donc bénéficier de la vie éternelle. Ici-bas la grâce en vue de la gloire ; cest maintenant, « hic et nunc » que se vit lespérance, et cela change tout. d. Car lEspérance accepte de porter sa croix comme Symon de Cyrène en suivant le Christ. A Gethsémani Jésus commande à Pierre de rengainer son épée et refuse dappeler à sa rescousse « plus de douze légions danges[35] ». Il ne veut pas accréditer lidée dun Dieu Père Vengeur qui nous mettrait en dehors des dures conditions de lhistoire ; si lEspérance théologale bondit à laube de Pâques du tombeau du Christ, cest parce quelle a su accepter lépreuve de lagonie et la ténèbre du Vendredi Saint ; démarche incontournable ! lEspérance théologale ne fait jamais limpasse de la Croix. Cest à ce prix que celle-ci se transforme en ancre de salut « maintenant et à lheure de notre mort » ; cest par elle que nous vivons aujourdhui les derniers temps et que nous pouvons nous approprier les derniers mots de lApocalypse, mots dEspérance du livre de lEspérance : « Amen ! Marana Tha ! Oui, Notre Seigneur, Viens[36] ! ». III Ce même regard despérance lucide et positif sur les réalités maritimes et leurs enjeux importants fait partie de lengagement de la Mission de la Mer aujourdhui. Récemment le pape Benoit XVI écrivait : « lEspérance senracine en pratique dans la vertu de patience et dans celle dhumilité qui accepte le mystère de Dieu et lui fait confiance même dans lobscurité ! ». LApostolat de la Mer tire ainsi son dynamisme et sa mobilisation de lEspérance théologale vécue « au ras des vagues ». Cest la raison pour laquelle
Pour ceux et celles qui veulent aller plus loin dans lapprofondissement de la Foi, la participation à la prière liturgique de lÉglise, la réponse à lappel du Seigneur en vue dexercer certains offices de responsabilités ou certains ministères, lApostolat de la Mer essaie de proposer des temps forts, et quelques « outils » bien ajustés ; cette demande exige beaucoup de lui ; il ne veut pas léluder ; car lEspérance lui fait découvrir sur place et préparer progressivement de vrais témoins du Christ. Mais cela se demande dans la prière puisque lEspérance nous fait faire sans cesse le va-et-vient entre aujourdhui et demain. Il est temps de conclure : par tout cela, nous voyons que lApostolat de la Mer a pour mission dabord dêtre signe dÉglise dans réalités maritimes ; sans se localiser ni se cramponner dans des structures trop rigides, il lui faut être signe du navire Église qui malgré sa fragilité poursuit son chemin dans lhistoire à travers tempêtes, dérives et écueils ; il assume cette mission jour après jour dans lEspérance, avec le Christ pour boussole, lEsprit-Saint comme vent favorable, lEucharistie pour viatique, Marie pour étoile et lÉglise comme support visible. « Maître, nous avons pêché toute la nuit sans rien prendre ! » dit Pierre à Jésus qui lui répond : « Repars au large (en eau profonde), relance ton filet, recommence[38] ! » tel est le programme de lApostolat de la Mer ; commenté avec le sourire par un moine breton, dans une formule étincelante : « Il nest au monde que deux grands métiers : pêcher des poissons au fond de la mer, pêcher des perles au fond de Dieu[39] ». Cest cela que lEspérance inspire et fait vivre : découvrir déjà ce que le Seigneur nous destine. Tel un scaphandrier qui senfonce en profondeur pour rapporter les merveilles des grand fonds, lEspérance théologale, à travers les projets et les engagements de lApostolat de la Mer, suscite un humanisme maritime chrétien ; elle nous permet surtout de découvrir dans ces galilées maritimes que sont les océans, Celui qui nous y précède et nous y appelle le Christ ressuscité, « lEspérance de la gloire[40] ». [1] Mt 7, 9. [2] Sermo 105, c4 n6. [3] 1 Petrus 3, 15. [4] C.E.C. 1817 sq. [5] Lc 12, 35-39. [6] Ro 7, 15.24a. [7] 2 Co 6, 4-5. [8] 2 Co 11, 23-30. [9] Rm 4, 16. [10] Rm 4, 18. [11] He 6, 19. [12] 1 Th 5, 8. [13] Charles Péguy : « La Porte du mystère de la deuxième vertu ». [14] C. E. C. : n° 1820. [15] Jn 16, 33 ; Jn 16, 22-23. [16] Lc 1, 26-30. [17] Gn 12, 1 ; 15, 5. [18] Heb 11, 8a-10. [19] Jn 3, 8. [20] L.G. 16 ; G.S. 38. [21] Ex 3, 7-10. [22] Jb 4, 27. [23] Jb 19, 25-sq. [24] Jb 4, 25 ; Mt 25. [25] 1 Tm 2, 4. [26] Ez 37, 11. [27] Ez 37, 13-14. [28] Si le projet de livre vert de la Commission Européenne reste uvre positive, il doit beaucoup plus insister sur ce dernier point. [29] Voir note 14. [30] Mt 16, 1-4. [31] 1 Th 5, 6. [32] Col 3, 11. [33] Mc 13, 5 sq. [34] Lc 10, 27. [35] Mt 26, 52-sq. [36] Ap 22, 20. [37] Ap 2, 7. [38] Lc 5, 4. [39] « Mer en Ré mineur » Père François CASSINGENA, moine de Ligugé Ed. Gerfaut. [40] Col 1, 27.
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