DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS
AUX PARTICIPANTS À LA IIIe RENCONTRE DES
« ÉGLISES, HÔPITAUX DE CAMPAGNE »
Salle du Consistoire
Lundi 4 novembre 2024
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Merci d’être venus. Vous êtes les bienvenus à cette rencontre. Je voudrais vous adresser quelques mots qui vous aideront à réfléchir au travail dans l’Eglise, le travail que vous accomplissez, en faveur des plus pauvres et des plus marginalisés.
Je voudrais partager avec vous trois aspects que j’ai évoqués récemment: annoncer le Christ, réparer les inégalités et semer l’espérance. Aidés par la grâce de l’Esprit Saint, vous vous engagez à faire en sorte que les Eglises soient semblables à des hôpitaux de campagne — ne l’oublions pas — pour mettre en œuvre ces trois principes. Parfois, je désespère lorsque j’entends demander à un prêtre: «Comment va la paroisse? — Bien, nous avons beaucoup de Messes — Mais combien de personnes au total viennent le dimanche? — Entre 1.000 et 1.200 — Ah c’est bien. Et combien de personnes habitent dans le quartier?». Et là le prêtre hésite avant de dire 200.000, 250.000. Autrement dit, nous devons être conscients que peu de gens viennent à la Messe. Nous devons aller les chercher.
Accueillir les personnes par des gestes plutôt que par des mots. Un premier principe: accueillir. Et aussi rendre visite, qui est une autre forme d’accueil. Et continuez à voir en chacun d’eux — de ces personnes vulnérables — le visage du Christ dans cette vulnérabilité. De cette façon, vous annoncez le Christ comme celui qui marche toujours avec eux, même de manière anonyme, puisque c’est lui qui le premier s’est fait pauvre. Les récits de personnes pauvres, en Espagne, en Italie du Sud, qui proclament le Christ comme elles le peuvent, au milieu de l’immigration musulmane par exemple, me font du bien. Et elles l’annoncent avec des gestes, avec l’accueil, avec l’accompagnement, avec la promotion du migrant. Accueillir le Christ.
Une façon d’accueillir le Christ concerne les pauvres et les migrants. Je souligne les migrants parce que c’est l’une des réalités — je ne veux pas dire un problème, mais une des réalités — que l’on retrouve en Italie comme en Espagne. Et d’ailleurs il faut être reconnaissant envers les migrants qui viennent car la moyenne d’âge des habitants locaux est un peu désepérante. Je crois qu’en Italie l’âge moyen est de 46 ans. Ils n’ont pas d'enfants. Mais oui, tout le monde a un chien ou un chat, mais ils n’ont pas d'enfants! Et les migrants arrivent et, dans un certain sens, ce sont les enfants que nous ne voulons pas avoir. Pensez un peu à cela.
Deuxièmement, corriger les inégalités. Avec votre apostolat, vous dénoncez auprès de la société les inégalités, parfois très grandes, entre riches et pauvres, entre citoyens et étrangers. Ce n’est pas ce que Dieu veut de l’humanité et, dans la justice, ces choses doivent être résolues. Il faut rétablir le tissu social en réparant les inégalités; personne ne peut rester indifférent à la souffrance des autres (cf Gn 4, 9). Pensez aux deux extrémités de la vie: les inégalités dont sont victimes les enfants et les personnes âgées. Lorsque ces dernières sont abandonnées, elles sont envoyées au «quartier général d’hiver», comme si elles n’avaient rien à offrir à la société en ce moment. Et pensez aux enfants, lorsqu’ils sont utilisés pour certains travaux et sont ensuite abandonnés. Il y a des enfants que l’on envoie ramasser des objets dans les poubelles qui peuvent ensuite être vendus. Dans un pays où l’on trouve un fruit très délicat appelé myrtille, et dont la cueillette demande une grande délicatesse, on exploite des enfants affamés pour cueillir les myrtilles. Une question que nous devons nous poser est: que se passe-t-il avec les enfants? Que se passe-t-il avec les personnes âgées? Les personnes âgées sont des sources de sagesse, et nous assistons au scandale de les garder dans le placard d’un hospice. Enfants et personnes âgées.
Et enfin, il faut semer l’espérance. Dans chaque personne que vous accueillez — parce qu’elle n’a pas de logement, parce qu’elle est réfugiée, parce qu’elle fait partie d’une famille vulnérable, parce qu’elle est victime de la guerre, ou pour toute autre raison qui la marginalise de la société — semer l’espérance. Et pour tout cela, je tiens à vous remercier publiquement pour votre travail. Il est vrai que vous êtes téméraires et intrépides, tout le monde n’a pas ce courage, mais ce que vous faites inspire les autres, beaucoup. Pensons aux réfugiés — il faut aller les chercher, aller les voir — aux soldats ukrainiens blessés pendant la guerre. Semons l’espérance chez ces personnes. La guerre est une réalité très dure. C'est une réalité qui tue et détruit. Nous devons prendre soin de ces gens. Une chose que je constate lorsque des groupes d’enfants ukrainiens déportés viennent ici, c’est qu’ils ne sourient pas. La guerre leur a volé leurs sourires. Tout le travail que vous faites auprès des réfugiés est donc très important. Et, en outre, c’est l’une des trois conditions que l’Ancien Testament mentionne toujours: la veuve, l’orphelin et l’étranger — le migrant, le réfugié. C’est une question que nous devons toujours nous poser. Semez l’espérance s’il vous plaît. En chaque personne que vous accueillez, en chaque personne vulnérable, semez l’espérance.
Même si ces frères se sentent souvent opprimés face à une perspective qui peut ressembler à une «impasse» — et nous en trouvons tant, des «impasses», aujourd’hui — rappelez-leur que l’espérance chrétienne est plus grande que n’importe quelle situation. Ce n’est pas facile de dire cela à un blessé de guerre, ce n’est pas facile, mais nous devons le lui dire, car l’espérance a son fondement dans le Seigneur et non dans l’homme. Une chose est l’optimisme, qui est positif. Mais l’espoir est une autre chose, complètement différente.
Je voudrais que vous tous, dans le travail que vous accomplissez dans l’Eglise, ne cessiez de découvrir que l’assistance aux plus vulnérables est toujours un privilège, car le Royaume des Cieux est à eux (cf Mt 5, 3). Prendre soin des plus vulnérables, c’est prendre soin du Seigneur lui-même. «Tout ce que vous avez fait à l’un d’eux, c’est à moi que vous l’avez fait». Chaque fois que nous avons l’occasion de nous rapprocher d’eux et de leur offrir notre aide, c’est pour nous une occasion de toucher la chair du Christ, car porter l’Evangile n’est pas une chose abstraite, une idéologie qui se réduit à l’endoctrinement. Non, ce n’est pas comme ça, apporter l’Evangile se matérialise dans l’engagement chrétien auprès de ceux qui en ont le plus besoin; c’est là que réside la véritable évangélisation.
Sœurs et frères, je vous remercie pour le témoignage de vie chrétienne. Diffusez l’espérance, diffusez la miséricorde, diffusez l’amour vers toutes ces personnes pour que, convaincues à leur tour de cette vérité, elles puissent s’unir pour collaborer au service des plus pauvres. «Père, faut-il alors les baptiser avant qu’ils ne viennent collaborer au service des plus pauvres ou faut-il qu’ils aillent se confesser pour être dans la grâce de Dieu?» Non. Toute personne, athée, non athée, toute personne, d’une religion ou d’une autre. Servir, et servir les plus pauvres. Parmi les plus pauvres, il y a Jésus. Des personnes servent Jésus même si elles ne croient pas en Lui.
Que Jésus vous bénisse dans le travail que vous faites et s'il vous plaît, n’oubliez pas de prier, priez pour moi. Mais priez pour, pas contre.
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L'Osservatore Romano, Edition hebdomadaire en langue française, LXXVe année, numéro 45, jeudi 7 novembre 2024, p. 6.
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