JEAN PAUL II
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 10 octobre 2001
2. L'invitation à la joie est développée par des images profondément touchantes. Il s'agit d'un oracle qui fait rêver! Il décrit un avenir dans lequel les exilés "viendront, criant de joie" et retrouveront non seulement le temple du Seigneur, mais également tous leurs biens: le blé, le vin nouveau, l'huile, les nouveau-nés des troupeaux. La Bible ne connaît pas un spiritualisme abstrait. La joie promise ne concerne pas seulement l'intériorité de l'homme, car le Seigneur prend soin de la vie humaine dans toutes ses dimensions. Jésus lui-même ne manquera pas de souligner cet aspect, en invitant ses disciples à avoir confiance dans la Providence, également pour les besoins matériels (cf. Mt 6, 25-34). Notre cantique insiste sur cette perspective: Dieu veut le bonheur de tout l'homme. Le sort qu'il prépare à ses enfants est exprimé par le symbole du jardin "bien arrosé" (Jr 31, 12), image de fraîcheur et de fécondité. Le deuil se transforme en fête, les personnes sont rassasiées de délices et comblées de biens (cf. v. 14), si bien qu'elles se mettent spontanément à danser et à chanter. La joie sera irréfrénable, le bonheur d'un peuple.
3. L'histoire nous dit que ce rêve ne s'est pas encore réalisé. Mais ce n'est certainement pas parce que Dieu a manqué à sa promesse: c'est le peuple qui, encore une fois, a été responsable de cette déception à cause de son infidélité. Le Livre de Jérémie lui-même se charge de le démontrer à travers la description d'une prophétie qui devient pleine de souffrance et de dureté, et qui conduit progressivement à quelques-unes des périodes les plus tristes de l'histoire d'Israël. Non seulement les exilés du Nord ne reviendront pas, mais la Judée elle-même sera occupée par Nabuchodonosor en 587 av. J.C. C'est alors que commenceront des jours amers, lorsque, sur les rives des fleuves de Babylone, on devra suspendre les harpes aux peupliers (cf. Ps 136, 2). Aucune âme ne pourra être disposée à chanter pour donner satisfaction à ses bourreaux; on ne peut pas se réjouir si l'on est arraché par la force à sa patrie, la terre où Dieu a placé sa demeure.
4. Toutefois, l'invitation à la joie qui caractérise cet oracle ne perd rien de son sens. En effet, la motivation ultime sur laquelle elle repose, et qui est notamment exprimée par plusieurs versets intenses, qui précèdent ceux proposés dans la Liturgie des Heures, demeure solide. Il faut bien les garder à l'esprit, lorsqu'on lit les expressions de joie de notre cantique. Ils décrivent en termes vibrants l'amour de Dieu pour son peuple. Ils mentionnent un pacte irrévocable: "D'un amour éternel je t'ai aimé" (Jr 31, 3). Ils chantent l'effusion paternelle d'un Dieu qui appelle son premier-né Ephraïm et qui le couvre de tendresse: "En larmes ils reviennent, dans les supplications je les ramène. Je vais les conduire aux cours d'eau, par un chemin tout droit où ils ne trébucheront pas. Car je suis un père pour Israël" (Jr 31, 9). Même si la promesse n'a pas pu être réalisée jusqu'à présent en raison du manque de correspondance de ses enfants, l'amour du Père demeure dans toute son émouvante tendresse.
5. Cet amour constitue le fil d'or qui unit les phases de l'histoire d'Israël, dans ses joies et dans ses peines, dans ses succès et dans ses échecs. Dieu ne manque pas à son amour, et le châtiment lui-même en est l'expression, prenant une signification pédagogique et salvifique.
Sur le roc solide de cet amour, l'invitation à la joie de notre Cantique évoque un avenir voulu par Dieu qui, bien que différé, se réalisera un jour malgré toute la fragilité des hommes. Cet avenir s'est réalisé dans la nouvelle alliance, avec la mort et la résurrection du Christ et avec le don de l'Esprit. Toutefois, son plein accomplissement aura lieu lors du retour eschatologique du Seigneur. A la lumière de ces certitudes, le "rêve" de Jérémie reste une véritable opportunité historique, conditionnée par la fidélité des hommes, et surtout un objectif final, garanti par la fidélité de Dieu et déjà inauguré par son amour dans le Christ.
En lisant donc cet oracle de Jérémie, nous devons laisser retentir en nous l'Evangile, la belle nouvelle diffusée par le Christ, dans la synagogue de Nazareth (cf. Lc 4, 16-21). La vie chrétienne est appelée à être une vraie "jubilation", que seul notre péché peut mettre en péril. En nous faisant réciter ces paroles de Jérémie, la Liturgie des Heures nous invite à enraciner notre vie dans le Christ, notre Rédempteur (cf. Jr 31, 11) et à chercher en Lui le secret de la vraie joie dans notre vie personnelle et communautaire.
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Parmi les pèlerins qui assistaient à l'Audience générale du 10 octobre 2001, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père s'est adressé en français:
De France: Groupes de pèlerins des diocèses d'Autun et de Rennes; paroisse Saint-Vit, de Besançon; groupe de pèlerins de Strasbourg.
De Belgique: Groupe de pèlerins.
Du Canada: Groupe de pèlerins.
Chers Frères et Sœurs,
Le cantique de Jérémie annonce la consolation d’Israël. Il évoque un avenir où les exilés "viennent, criant de joie, sur les hauteurs de Sion" et retrouvent non seulement le Temple du Seigneur, mais aussi "le froment, le vin nouveau et l’huile fraîche, les génisses et les brebis du troupeau". Le cantique y insiste: Dieu veut le bonheur de tout l’homme !
L’histoire nous dit que ce rêve ne s’est pas encore réalisé, à cause de l’infidélité du peuple. Non seulement les exilés ne sont pas rentrés, mais sont venus les jours amers de l’Exil, auprès des fleuves de Babylone. Pourtant, l’invitation à la joie, qui caractérise ce cantique, garde tout son sens. Sa motivation reste intacte : l’amour de Dieu pour son peuple. Sur ce roc solide, est évoqué un avenir qui s’est réalisé dans la Nouvelle Alliance, avec la mort et la résurrection du Christ, et le don de l’Esprit. Il s’accomplira définitivement avec le retour eschatologique du Seigneur.
La vie chrétienne est appelée à être une vraie jubilation que seul notre péché peut mettre en péril. C’est pourquoi nous sommes invités à enraciner notre vie personnelle et communautaire dans le Christ, et à chercher en lui le secret de la vraie joie.
Je salue avec joie les pèlerins de langue française présents à cette audience. Que votre pèlerinage vous renouvelle dans la joie d’être chrétiens pour annoncer la Bonne Nouvelle à vos frères ! A tous, j’accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique.
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