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DISCOURS DU SAINT PÈRE À L'AMBASSADEUR 
DU PAKISTAN PRÈS LE SAINT SIÈGE À L'OCCASION 
DE LA PRÉSENTATION DES LETTRES DE CRÉANCE*

Jeudi 16 décembre 1999



Monsieur l'Ambassadeur,

C'est pour moi un plaisir aujourd'hui de vous accueillir au Vatican et d'accepter les Lettres qui vous accréditent en tant qu'Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la République islamique du Pakistan près le Saint-Siège. Je désire exprimer ma gratitude pour le message de salutation que vous me transmettez de la part de du Président Muhammad Rafiq Tarar, et du gouvernement et du peuple du Pakistan.  Je  vous  demande  de  leur transmettre mes meilleurs voeux ainsi que l'assurance de mes prières pour la prospérité, l'harmonie et le bien-être de votre pays.

Monsieur l'Ambassadeur, je vous remercie de vos cordiales paroles d'estime pour les efforts du Saint-Siège au sein de la Communauté internationale en vue de promouvoir la paix et le développement humain à travers le monde. Le Saint-Siège considère ce travail comme faisant partie de son service à la famille humaine, motivé par une préoccupation constante pour le bien-être de tous les peuples. La coopération avec les peuples, les nations et les gouvernements est une condition essentielle pour assurer un avenir meilleur à tous, pour édifier de solides bases de paix et pour promouvoir un développement à travers l'utilisation responsable des ressources du monde. La Communauté internationale doit faire face à d'immenses et nombreux défis dans ses efforts à cet égard, parmi lesquels figurent les graves problèmes que vous avez mentionnés:  les situations de pauvreté et de faiblesse économique, les rivalités ethniques et religieuses, ainsi que l'interdiction du droit des peuples à décider de leur destin.

A la base d'un grand nombre des ces difficultés se trouve le refus de reconnaître la dignité inhérente et inaliénable de la personne humaine. Dans mon Message pour la Journée mondiale de la Paix 1999, j'ai déclaré que la dignité de la personne humaine est "une valeur transcendante, toujours reconnue en tant que telle par ceux qui recherchent sincèrement la vérité" (n. 2). Ne pas respecter cette dignité conduit aux diverses formes souvent tragiques, de discrimination, d'exploitation, de tension sociale et de conflit national et international qui nous sont devenus si familiers récemment. Ce n'est que lorsque la dignité de la personne est préservée et garantie qu'il peut y avoir une base solide pour la paix et un développement véritable qui inclut chacun.

La Déclaration universelle des Droits de l'Homme, dont nous avons célébré l'an dernier le cinquantième anniversaire, a été le résultat de la triste expérience et des terribles souffrances de la Deuxième Guerre mondiale. Elle a été motivée par un profond désir de garantir que chaque personne humaine soit reconnue en tant que sujet des mêmes droits indivisibles et universels. L'esprit de la Déclaration est contenu dans son préambule, qui affirme que "la reconnaissance de la dignité inhérente et des droits égaux et inaliénables de tous les membres de la famille humaine est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix". La construction d'une société pacifique et son véritable progrès dépendent de la promotion d'une culture qui respecte et protège les droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine, dont les piliers sont le droit à la vie, le droit à la liberté (y compris la liberté de pensée, de conscience et de religion) et le droit à participer pleinement à la société. C'est de ces droits fondamentaux que découlent les différents droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels qui sont essentiels au bien-être des individus et de la société.

La signification que les traditions religieuses et culturelles confèrent à la vie des peuples montre clairement qu'il est faux de penser que le développement humain peut être réduit au développement purement économique. Le véritable progrès ne peut être identifié avec l'accumulation de biens; au contraire, il doit conduire à l'amélioration générale et complète de l'homme considéré dans son intégralité. Il possède donc obligatoirement une dimension morale, composée de droits et de devoirs. Par  conséquent, c'est  une  erreur de  relier  l'assistance  financière et technologique à des conditions qui vont à l'encontre des traditions et des convictions éthiques et religieuses d'un peuple. En effet, lorsque les individus et les communautés ne voient pas un rigoureux respect de leur caractère moral, culturel et spirituel, alors tout le reste - la disponibilité de biens, l'abondance de ressources techniques appliquées à la vie quotidienne, un certain niveau de bien-être matériel - sera insatisfaisant et à la fin méprisables (cf. Sollicitudo Rei socialis, n. 33). Les programmes de développement, au sein des pays et au niveau international, doivent être planifiés et accomplis dans un cadre de solidarité et de liberté qui respecte la vérité de la personne humaine.

La liberté religieuse constitue le coeur même des droits humains (cf. Message pour la Journée mondiale de la Paix 1999, n. 5). La violation de ce droit est une source d'immenses souffrances pour les croyants, et il est donc essentiel que lorsqu'un Etat garantit un statut spécial à l'une des religions, ce ne soit pas au détriment des autres. A une époque où les diverses parties du monde sont déchirées par des conflits au nom des croyances religieuses, des efforts sont nécessaires pour assurer qu'un esprit de tolérance mutuel et de respect prévale. Le recours à la violence au nom de la croyance religieuse est une perversion des enseignements mêmes de la plupart des religions. Au contraire, le dialogue doit être promu parmi les religions présentes sur un territoire afin que tous constatent que la véritable croyance religieuse inspire la paix, encourage la solidarité, promeut la justice et encourage la liberté (cf. Discours à l'occasion de la clôture de l'Assemblée interreligieuse, 28 octobre 1999, n. 3). Tandis que le monde se dirige vers un nouveau millénaire, il doit y exister une conscience croissante de la fraternité universelle de tous les peuples dans l'unique famille humaine, et une plus grande coopération parmi les fidèles des religions du monde dans la promotion des valeurs spirituelles dont l'humanité a plus que jamais besoin.

La communauté catholique du Pakistan est petite en nombre par rapport à l'ensemble de la populaion, mais ses membres sont fiers de se considérer comme citoyens pakistanais. Ils restent engagés à jouer le rôle qui leur revient dans le développement politique, social et culturel de leur pays, en particulier à travers des activités dans le domaine de l'éducation et de la santé, et de l'assistance aux personnes dans le besoin. En remplissant sa mission, l'Eglise ne recherche pas de privilèges spéciaux, mais désire simplement exercer ses droits librement et que ceux-ci soient respectés. De cette façon, l'Eglise pourra poursuivre sa mission spirituelle et humanitaire et contribuer à édifier une société de justice, de confiance mutuelle et de coopération.

Monsieur l'Ambassadeur, votre pays doit faire face à de nombreuses difficultés et défis aujourd'hui. Je prie pour que Dieu tout-puissant guide les dirigeants du Pakistan à instaurer un processus qui conduira au bien-être effectif de la société et qui jettera les bases d'une paix durable dans la région. Tandis que vous commencez votre mission, je vous offre de tout coeur mes meilleurs voeux et je vous assure que les bureaux de la Curie romaine seront prêts  à  vous  aider.  Sur  vous-même, ainsi que sur le peuple du Pakistan, j'invoque une abondance de Bénédictions de Dieu tout-puissant.


*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française 2000 n.1 p.7.

 

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