1. Cent cinquante ans se sont écoulés depuis que mon Prédécesseur, le Bienheureux Pie IX, a concrétisé le premier projet de la Commission pontificale d'Archéologie sacrée, instituée quelques temps auparavant pour élargir la collection des antiquités chrétiennes, les réunir dans des locaux spéciaux et créer un musée, qui devait ensuite prendre le nom de Musée Chrétien-Pie.
L'objectif qu'il confia à cette Commission consista à garantir, avec un sage discernement, que "demeurent si possible à leur place dans les catacombes toutes ces choses qui, sans risquer d'être abimées, pourraient [...] édifier les fidèles en rappelant à leur mémoire la simplicité des catacombes elles-mêmes" (in Archivio della Società Romana di Storia Patria, 91 [1968], 259). En rendant publiques les dispositions de ce vénéré Pontife, le 6 janvier 1852, le Cardinal-Secrétaire d'Etat de l'époque, Giacomo Antonelli, communiqua la composition définitive de la Commission, comprenant des chercheurs illustres et clairvoyants, tels que le P. Giuseppe Marchi, s.j., et Giovanni Battista De Rossi.
En cette heureuse circonstance, j'ai demandé au Cardinal Angelo Sodano, mon Secrétaire d'Etat, d'apporter aux membres de l'actuelle Commission pontificale d'Archéologie sacrée, digne d'éloges, mon salut cordial et un encouragement fervent, afin qu'ils continuent à conserver, à étudier et à faire connaître le précieux héritage des vénérables vestiges de l'Eglise, en particulier des catacombes de l'Urbs et de l'Italie.
2. Comment ne pas souligner, en cette circonstance, l'attention pleine de sollicitude avec laquelle les Pontifes Romains ont conservé les vestiges de la communauté chrétienne présents dans la ville de Rome et dans la Péninsule italienne dès les débuts?
Il faut par exemple mentionner la décision du Pape Zéphyrin, qui le premier voulut créer des catacombes sur la Via Appia, les confiant aux soins du diacre Calixte. Cet ensemble de catacombes, qui est le plus grand, prendra ensuite le nom de Calixte, devenu Pape et successeur de Zéphyrin. Un autre Souverain Pontife profondément engagé dans la valorisation des catacombes fut le Pape Damase, qui, durant son pontificat, se mit à la recherche des tombes des martyrs, afin de les décorer de splendides épigraphes métriques, en mémoire des faits et gestes de ces premiers témoins de la foi.
Au siècle dernier, confirmant et mettant à jour les dispositions de ses prédécesseurs immédiats, le Pape Pie XI, dans le Motu Proprio "Les cimetières primitifs", étendit et renforça la Commission d'Archéologie sacrée, "afin que les monuments vétustes de l'Eglise soient conservés de la meilleure façon possible pour l'étude des érudits, ainsi que pour la vénération et la piété ardente des fidèles de chaque pays" (AAS 17 [1925], 621). L'initiative providentielle de ce grand Pontife s'inséra dans le contexte particulier de l'Année Sainte 1925, qui vit le rassemblement de foules de pèlerins venus pour rendre hommage à la mémoire de l'Eglise de Rome. Ce fut donc, comme toujours, une finalité pastorale et spirituelle qui incita en priorité les Successeurs de l'Apôtre Pierre à communiquer une nouvelle vigueur à la Commission pontificale d'Archéologie sacrée.
3. Les catacombes ont constitué, à chaque époque, un centre de piété et d'unité pour les croyants. Dans celles-ci sont conservés et vénérés avec respect les témoignages éloquents de la sainteté de l'Eglise, qui rappellent la communion qui unit les vivants aux morts, la terre au ciel, le temps à l'éternité. Dans ces lieux sacrés, ceux qui ont été marqués par le sceau du Baptême et qui, souvent, ont offert pour l'Evangile la preuve suprême de l'effusion du sang, attendent la venue glorieuse du Seigneur.
J'ai plaisir à citer dans son intégralité, parmi un grand nombre, l'épigraphe admirable que le Pape saint Damase composa en l'honneur de saint Saturnin martyr, dont nous fêtons aujourd'hui la mémoire liturgique. Il s'agit de paroles qui peuvent s'appliquer aux nombreuses personnes qui ont offert leur vie pour le Christ et qui reposent à présent dans la paix, en attendant le jour sans fin, lorque le Seigneur reviendra dans la gloire. C'est un hommage que nous désirons rendre à ces frères et soeurs dans la foi:
"A présent citoyen du Christ,
il le fut autrefois de Carthage.
A l'époque où l'épée
transperça le sein pieux
de la Mère,
par le mérite de son sang
il changea de patrie,
de nom et de descendance,
la naissance à la vie des saints
le rendit citoyen romain.
Sa foi fut admirable:
sa mort héroïque
le démontra par la suite.
Graziano frémit
comme ennemi, alors qu'il lacère
les membres pieux;
mais bien qu'il manifestât toute
sa haine maléfique,
il ne réussit pas, ô saint,
à te faire renier le Christ;
et il finit même, au contraire,
à la suite de tes prières
par mourir en chrétien.
Telle est la prière de Damase:
vénère ce sépulcre!
[Il nous est ici donné de renouveler nos voeux et d'épancher notre âme
en chastes prières,
car c'est ici le sépulcre
du martyr saint Saturnin]-
A toi, ô martyr Saturnin,
je renouvelle mes voeux".
(Epigrammata Damasiana, par A. Ferrua, Rome 1942, p. 188-189).
Comment nier, notamment à la lumière de ces vers inspirés, que les catacombes sont l'un des symboles historiques de la victoire du Christ sur le mal et sur le péché? Elles attestent que les tempêtes qui font rage sur l'Eglise ne peuvent jamais atteindre leur but qui est de la détruire, car elle est fondée sur la promesse du Seigneur: "portae inferi non praevalebunt adversus eam" (Mt 16, 18).
4. J'ai en outre plaisir à rappeler que la Commission que vous présidez dignement ne s'occupe pas seulement de conserver de façon appropriée ces "vestiges du peuple de Dieu", mais s'efforce également de rassembler et de diffuser le message religieux et culturel qu'ils évoquent. La contribution de ceux qui collaborent avec vous s'étend, en effet, à des aspects techniques, scientifiques, épigraphiques, ainsi qu'anthropologiques, théologiques et liturgiques. Cela permet à l'Eglise de connaître toujours mieux le patrimoine laissé par les générations des premiers chrétiens. C'est également grâce au message permanent que ce patrimoine silencieux proclame, que le peuple chrétien peut demeurer fidèle au depositum fidei, reçu comme un trésor précieux à conserver avec soin.
Les interventions de qualité des experts de la Commission, au cours des cent cinquante années qui se sont écoulées, ont été et restent importantes non seulement en raison de leur caractère scientifique, mais plus particulièrement de leur caractère religieux et ecclésial. Je désire, en cette heureuse circonstance jubilaire, exprimer ma plus vive gratitude pour le profond et généreux engagement avec lequel chacun contribue à développer cette oeuvre historique et pastorale.
Je forme également des voeux afin que le travail de cette Commission pontificale soit toujours plus connu, de façon à pouvoir ainsi répondre au désir des personnes qui veulent connaître les témoignages de ceux qui les ont précédés sous le signe de la foi. En s'imprégnant de la solidité de la foi des premiers chrétiens, à travers ces monuments et ces vestiges, les jeunes générations pourront se sentir encouragées de façon efficace à vivre à leur tour l'Evangile avec cohérence, même au prix d'un sacrifice personnel.
Vénéré Frère, avec ces sentiments, je vous assure, ainsi qu'aux membres de la Commission pontificale d'Archéologie sacrée, à vos collaborateurs et à ceux qui interviendront aux manifestations prévues, de mon affection constante, et, alors que je confie chacun de vous à Marie, Mère de l'Eglise, je donne de tout coeur à tous une Bénédiction apostolique spéciale, propitiatrice d'abondantes faveurs célestes.
Du Vatican, le 12 février 2002,
mémoire des Saints Saturnin et ses compagnons martyrs.
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